06 juin 2008

Tout ce que je sais sur la vie, je l'ai appris dans le bus 31 à Meylan

Tous les matins, je prends le bus 31, entre Meylan et Eybens.
Entre 7h50 et 8 heures pile.
Et c'est à chaque fois une expérience formidable !
Qui m'en apprend autant sur moi que sur la vie, les gens, les séries télévisées et la valeur d'un sourire.

Dans mon bus (oui, c'est devenu mon bus, les conducteurs et les autres passagers m'en excuseront), je retrouve quasiment tous les jours les mêmes personnes :

  • L'homme qui a acheté la planète
  • Jack, le médecin maussade de Lost
  • La fille la plus heureuse de l'univers
  • Une mère et son fils, tous deux télépathes


L'homme qui a acheté la planète
Si quelqu'un a vendu la planète, c'est que quelqu'un d'autre l'a achetée.
Et si quelqu'un l'a acheté, ça ne peut être que lui.

La cinquantaine, le sourire facile, le costume impeccable, les cheveux blancs coupés courts et aménagés en ordre parfait.
D'un regard, il englobe l'ensemble des passagers avec bienveillance et tranquillité.
Puis il en choisit un et va parler avec lui.
Naturellement.
Avec classe.
Avec décontraction.

Et son interlocuteur, que ce soit une mère de famille, une jeune lycéenne, un informaticien introverti ou la fille la plus heureuse du monde (voir plus bas), se met à lui parler avec le plus grand naturel.
Il est décontracté.
Comme s'il n'y avait aucun problème...
Comme si le monde entier lui appartenait, mais que ça n'avait pas vraiment d'importance.
Comme si tout était plus simple, lorsque l'on agissait avec légèreté et naturel.





Jack, le médecin maussade de Lost

Il est grand, brun, les cheveux courts ; il a le regard, les expressions, et la moue maussade et désabusée de Jack Sheppard dans la serie Lost.
Il en a les gestes, le regard lointain et absent.
Il en a l'expression douloureuse, et le sourire rare.

La ressemblance est à ce point confondante qu'il m'arrive, quand je le croise, de vouloir lui demander des nouvelles des autres rescapés.

Puis je me rappelle que ce n'est pas Jack.
Qu'il travaille surement dans une université, un laboratoire ou un IUT en centre ville.
Qu'il en a surement ras-le-bol que tout le monde le compare à ce personnage de fiction incapable de gérer sa vie, ses sentiments, sa relation aux autres et à lui-même.

Que cette ressemblance n'est qu'une apparence, superficielle et non-significative.
Et que je ferai mieux de me méfier des apparences et d'apprécier les gens pour ce qu'ils sont, et non pas pour ce à quoi ils ressemblent...





La fille la plus heureuse de l'univers

Elle sourit.
J'aimerai pouvoir la décrire autrement, mais c'est impossible : son sourire est tellement présent, naturel et intérieur, que l'on a du mal penser au reste.
Lorsqu'elle se lève pour laisser sa place à quelqu'un, elle sourit.
Lorsqu'elle baille, elle sourit.
Lorsque le chauffeur freine brutalement, elle sourit.
Lorsqu'elle baille, elle sourit.
Lorsqu'il n'y a pas de raison particulière de sourire, elle sourit.
Lorsqu'elle baille, (je crois qu'elle dort mal, la nuit...).

Je pense être un bon gars, un peu naïf, pas haineux ou méchant pour un sou, plein de qualités (n'en jetez plus, merci), mais avec une bonne dose d'agitation intérieure.
J'y travaille. Très dur, même, en ce moment.

Un matin où je me débattait avec tout ça, elle s'est mise à sourire, en face de moi.
Sans raison.
Pas à moi, mais juste comme ça.
Parce que c'était naturel.

Et en quelques secondes, ça allait mieux.
Je me suis senti plus léger.
Depuis, j'ai appris la valeur d'un sourire.





Une mère et son fils, tous deux télépathes

Elle a la jolie trentaine, et lui une belle demi-dizaine.
Elle le tient par la main, à moins que ce ne soit l'inverse.
Il s'assoit quelque part, et elle à coté de lui.
Elle a un petit geste pour lui remettre l'écharpe en place, et il la laisse faire.
Ils baillent de concert, se penchent à travers la fenêtre d'un même mouvement.
Ne sourient pas.
Parlent peu.
Se regardent beaucoup.
Communiquent beaucoup.

Et montrent que lorsque l'on est vraiment proches et sincères, les mots n'ont pas beaucoup d'importance.




Et vous ? Qu'apprenez-vous dans votre bus du matin ?

(Photos : Photo du bus : Snotag.com - Lambda Chi Alpha Fraternity/agnese° irene°/sean dreilinger en Creative Commons sur Flickr - Photos promotionnelles ABC)


L'humeur du moment
Smoke
léger

immatériel

insignifiant

22 commentaires:

Anonyme a dit…

Le gars qui possède le monde : il s'ennuie sûrement beaucoup au bureau (comme il doit être le big patron et que personne doit lui parler parce que tous ses subalternes en ont peur) et pour lui le meilleur moment de la journée, ça doit être son bus (à lui aussi du coup, allez sois gentil maintenant, partage).

Jack : pardon, mais il ressemble pas tellement à jack pour de vrai, hein, tu insistes là-dessus mais en vrai non...

La fille souriante : j'ai une théorie, c'est sans doute parce qu'elle dort peu (et en bonne compagnie) qu'elle est aussi souriante... je vois que ça... en plus, ça a l'air d'être comme ça tout le temps (bonne pioche petite)

Et le duo mère-fils : c'est vrai qu'ils sont vraiment mignons ceux-là. Mais mais... Va-t-en savoir ce qu'il en sera dans 5 ans quand le petit jeune mignon sera déluré (courant après les filles, les filles lui courant derrière parce qu'il va être chou, pas de doute là-dessus) et sa mère rongée par l'inquiétude rapport à son ado incontrôlable (elle dormira plus la nuit à l'idée qu'il ramène des chéries enceintes...) ;D

héhé...

Moi dans mon 31 (pris entre 8h10 et 8h18), ya un jeune aux cheveux longs qui dit rien, une fille tellement banale que je la reconnais de justesse grâce à son sac à dos bariolé, une autre fille qui passe tout son trajet à fliquer son mec au téléphone pour qu'il lui raconte dans le détail sa soirée sur MSN (ya des mecs qui supportent de ces dingues, sans rire) et notre chère voisine à tête de poule fan de lévrier qui embaume à vomir la fleur de vanille (y a t il vraiment un homme au monde qui soit excité par des odeurs de vanille, noix de coco et autres fragrances dignes de l'arbre désodorisant pour voiture (oui, cette saloperie-là, genre sapin de noel jaune) que je hais encore plus au monde que mon voisin qui fait des travaux + le gamin démoniaque du dessous qui hurle que sa mère est moche)

Comme d'hab, c'est toi qui a le bon plan... Pfff...

Filipe a dit…

Grandiose ! :-)
(mais le gars ressemble vraiment à Jack...)

Anonyme a dit…

Non, définitivement non...

Je te jure, prends une photo et poste-là ici, et laisse tes fans voter...

Filipe a dit…

C'est pas une mauvaise idée... mais je doute qu'il apprécie...

Remarque, s'il passe par ici et qu'il se reconnait, il pourrait m'en faire passer une, que je publierai pour que l'on puisse juger...

Ou si ses collègues le reconnaissent et peuvent témoigner... Je crois l'avoir vu avec un badge d'identification de l'UJF, une fois...

Anonyme a dit…

On s'est surement croisés dans le bus, alors !
J'espère que je n'aurai jamais de billet sur moi dans ton blog ! (Je rigole !)

Chris

Anonyme a dit…

Ma foi, voila un article très sympathique sur Meylan, les meylanais et les transports en communs.
Je le ferai lire à mes voisins.
Continuez comme ça.

Filipe a dit…

@chris : sait-on jamais !!! ;-)

@meylanais : mais oui, n'hésitez pas à faire connaître l'Humeur du Moment autour de vous !

Anonyme a dit…

Ca c'est un chouette "coup de coeur"
faut le proposer à la semitag, non ? C'est mieux que les poèmes qu'ils mettent sur les abris des tram

Valentin Kravtchenko a dit…

Tres beau post, touchant meme. Moi, Il y a longtemp que je ne regarde plus les gens qui sont dans le metro avec moi... Peut-etre est-ce parce que j'habite a Montreal (Quebec) ou tout simplement parce que j'ai cessé de m'y intéresser... A long terme j'ai l'impression que les gens se essemblent, entrent dans des étiquettes, des moules au milieux d'une masse de moules. Et pourtant je suis quelqu'un de sociable et très amical. Plutot que de regarder les autres, je suis sur mon smatphone à écrire ce reply... Je croyais avant aujourd'hui, avant il y a quelque minutes, que internet, les flux d'information RSS, les bases de données publiques et internet encore une fois :) me permettraient de voir le monde autour de moi plus clairement, une réalité qui ne serait pas filtrée par les opinions de telles ou telles lobby, intérêts poliques ou économiques... Mais au fond il demeure toujours un filtre entre moi et le monde qui m'entoure : moi. Je suis mon propre filtre d'information. À force de vouloir à tout prix être davantage connecté au monde qui m'entoure je m'en éloigne. Et en ce sens, voici ce que j'ai oublié avec l'hyperconnectivité : la valeur du temps présent, devenu trop relatif...

Filipe a dit…

@ mytheory (dont je recommande absolument la lecture du blog !) : et pourtant... je suis allé à Montreal, il y a quelques années, et j'ai été choqué, agréablement choqué, par le sourire des gens, leur facilité à vous parler, vous sourire, lorsque vous êtes un inconnu...
Le fait d'être "hyperconnecté" ( + 10 points pour la référence à Mark Pesce ! ;-) ) commence à créér des effets secondaires, chez moi, et notamment l'envie de "parler" au gens. Plus... Mieux...
En ce moment... Dans ce temps présent...

(J'ai déjà dit qu'il fallait visiter le blog de "mytheory" ?... Ah oui, je l'ai déjà dit...)

@ ElLuchador : (marrant comme pseudo, je connaissait un héros d'une excellente websérie française qui le portait avec brio...) en effet, je ne suis pas fan de tous les poèmes affichés sur nos abris-bus... mais faut bien développer des vocations, non ? ;-)

Anonyme a dit…

Fun ! J'aime bien, moi, ce genre d'articles. Je repasserai par là !

Fran a dit…

C'est un article très humain avec une observation des gens. Moi je ne travaille plus depuis 6 ans, mais quand je prends le bus pour me rendre à Aix, de mon petit village j'angoisse à l'idée d'y voir entrer des étudiants qui passent leur temps dans un bistrot et qui pour faire même pas un km à pied utilisent le bus et sont bruyant . Il y a aussi les alcooliques, femmes ou hommes à toute heure de la journée, c'est fatigant de sentir cette odeur d'alcool. Un jour j'ai été impressionnée car un étudiant est monté dans le bus avec un bouquin sur la psychologie. J'essayais de voir le titre du bouquin, mais c'était pas évident il a lu durant tout le trajet, vraiment possédé par son futur emploi.
Les gens ne se parlent plus mais quand il y a les contrôleurs, bien trop souvent il y a une certaine solidarité même avec les fraudeurs; je n'aime pas les contrôleurs même si je paie mon ticket mais je ne supporte pas le racisme ambiant, de plus il y a plus de gamins de 10 11 ans qui fraudent dans les cars dans le centre d'Aix que hors de la petite ville.
Mais ce que je trouve pénible réellement c'est les jeunes qui ne veulent pas marcher, même pour 5 minutes.
Ben oui je suis déjà une vieille, j'ai 37 balais, mais je sais ce que veut dire marcher...
J'adore regarder un enfant dans sa poussette, qui est agacé d'être le centre du monde et qui ferme les yeux, pour oublier...
J'aime bien la comparaison avec Jack de Lost, je n'ai pas ce privilège, dans mon bus, de toute façon je préfère Desmond dans Lost...:)

Filipe a dit…

@fran :
je connais un peu aix, j'y ai vécu quelques années...
Il y a un regard particulier que portent les gens sur toi, quelque chose d'absent mais également d'un peu menaçant... un rejet par le silence... c'est une sensation étrange...


A 37 ans, on est pas vieille : on commence juste à être un peu "libre" dans sa tête ! ;-)

Desmond est mon héros, dans Lost.
Il y a beaucoup de leçons de vie à tirer du parcours de ce personnage :

- le fait que l'on n'échappe pas à son destin, qui peut prendre des formes totalement inattendues lorsqu'il s'impose à nous (un curé croisé un soir de beuverie... un photographe trop cher... une inconnue qui nous offre un café puis un bateau...). Ce n'est pas très éloigné des pensées du philosophe dont le héros emprunte le nom... ;

- le coût terrible de la lâcheté, surtout dans les relations humaines (c'est parce qu'il n'ose pas affronter ses sentiments envers Penny que par trois fois il doit affronter l'isolement intérieur, dans un monastère, à l'armée et dans une île étrange...) ;

- un espoir inébranlable dans un futur meilleur, quitte à endurer plusieurs années de doute et d'enfermement pour l'obtenir ;

- la possibilité, pour un homme, d'être à la fois sensible et masculin, intellectuel et physique, torturé émotionnellement et pourtant concentré sur quelques valeurs fondamentales comme l'amitié, l'amour, la fraternité, la foi...

Finalement, tout ce que je sais sur la vie, je l'ai appris dans Lost... peut-être un prochain billet sur ce blog ? ;-)

Bravo, en tout cas, pour ton blog qui m'a fortement ému...

Fran a dit…

Certainement Filipe :) J'espère que tu passeras de bons moments à Marseille j'y ai vécu aussi...
Où habitais tu à Aix ?
Desmond me touche car l'acteur est très fort, et il est certainement le plus humain dans LOST, comme j'ai déjà vu la dernière saison, j'avais vu la disparition de Charlie, j'adore Lost aussi, ça m'apprend des tas de choses sur le sens de la vie...A bientôt !

Anonyme a dit…

33 pour moi, mais ça date...

Filipe a dit…

@fran : j'habitais près de l'ancienne gare routière, aujourd'hui détruite, à côté de la bibliothèque Méjanes... ah, la vie d'étudiant !

@emmanuel : le bus 33 ? oh oui, tout un univers de différence ! ;-)
Merci de ton passage sur ce blog !

Fran a dit…

Résidence Coq ?
C'était pas chouette, j'ai vécu en haut de la rue Mignet (pendant mes études) prés de 5 ans, au dernier étage au dessus du bar, puis dans l'av Gilles Borel, puis après Marseille 10ème Timone, finalement je préférais vivre à Marseille, c'était plus cool à pieds.

Filipe a dit…

@fran : "Résidence Coq ?"
non, aux Estudines.
Je redécouvre Marseille et ses beautés en ce moment...

Fran a dit…

Marseille est magnifique quand on sait où aller.
J'ai connu cette ville quand je n'y vivais plus. C'est dommage mais c'est comme ça.
Les Estudines, ça me dit quelque chose.

laureen a dit…

je ne regarderai plus mes "camarades " de bus de la meme manière ...peut etre vais- je essayé de te reconnaitre du regard ...je prend moi aussi le bus 31 qui passe à meylan aux memes horaires que toi et la grande reveuse que je suis aime tout comme toi regarder autour d elle et imaginer la vie,les pensées,les réves des personnes qui l'entourent...peut-étre ai-je déjà essayé d'imaginer les tiens...en tout cas tu auras su éveiller ma curiosité et donner un interet nouveau à mes trajets en bus ...

Filipe a dit…

Au plaisir de te croiser et d'échanger quelques mots avec toi durant ces trajets, Laureen ! :-)

Anonyme a dit…

ce que je cherchais, merci